Le coronavirus accélère la mutation numérique à Nice Matin, avec Damien Allemand
Avec le coronavirus, les médias traversent une période inédite, à la fois exaltante et inquiétante. A parte commence une série d’entretiens autour des impacts humains, éditoriaux et économiques de la crise du coronavirus sur les médias. Au journal Nice Matin, la majeure partie de l’équipe a basculé dans le télétravail malgré quelques réticences.
Le responsable digital de Nice matin, Damien Allemand, a renforcé la rédaction web pour produire des contenus de façon accrue. Un live tourne en continu de 7h à 23h, une newsletter spéciale a été lancée et un module de questions/réponses avec les internautes a été ouvert. Comme pendant les inondations ou les attentats, le quotidien multiplie les initiatives pour être au plus proche de ses lecteurs. Ainsi, Nice Matin a développé la webapp CoronAides qui met en relation des habitants disponibles pour aider d’autres personnes. Cette plateforme solidaire s’inscrit directement dans l’ADN du journal, qui pratique le journalisme de solution depuis trois ans.
Nice matin est dans un processus de mutation numérique important depuis quelques années. Un processus qui s’est accéléré ces dernières semaines : avec le coronavirus, la transformation digitale se fait à marche forcée, les choses bougent, là où les projets mettent d’habitude des mois à se concrétiser.
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Pour aller plus loin
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L’essentiel de l’épisode
Coronavirus, on s’organise comment
[00:03:49] C'est un peu compliqué de répondre à la question parce que au début, on est confiné à domicile. Par contre, elle est très représentative de tous les documents qu'on reçoit à la rédaction depuis depuis le début de la crise sanitaire. Il n'y a pas un jour où on reçoit pas 10, 15, 20, 30 vidéos de gens qui applaudissent à leur balcon à 20 heures ou d'infirmiers, de personnel soignant qui veulent témoigner de leurs conditions de travail. On reçoit énormément de documents sur cette crise. Des documents qui sont tous positifs, qui témoignent de soutien au corps médical, dans une ambiance, je n'ai pas envie de dire festive, mais qui est plutôt bon enfant.
[00:05:02] Oui, c'est très important de le dire parce que c'est une prouesse technique. Dire que c'est un miracle quotidien est en tout cas oui. On est toujours sorti depuis le début de la crise. Tout est fait et tout a été fait pour que le journal continue de sortir. Il y a eu une réduction de pagination, un chemin de fer qui a été refait en quelques heures pour se mettre en ordre de bataille pour garantir la sortie de la sortie du journal. Tout ça, ça a été fait. Et après, ce qui est intéressant à voir, c'est en gros. Tout s'est fait à marche forcée et j'ai l'impression qu'on est dans une transformation de l'entreprise en quelques en quelques semaines, alors que ce sont des projets qui, en général, dure plusieurs mois. Mais on a une grosse partie de la rédaction qui a basculé en télétravail, une partie qui découvre cela que c'est intéressant.
[00:06:27] Côté Web, le plus gros enjeu pour nous, ça a été de renforcer l'effectif pour tenir le rythme. Depuis le début du confinement, on a un live qui tourne de 7 heures à 23 heures. En parallèle, on continue d'alimenter nos sites. La particularité de Nice-Matin, c'est qu'il y a deux sites : Nice-Matin et Var-Matin. Du coup, on a quasiment eu quatre renforts sur l'équipe web pour nous permettre d'alimenter les sites, des gens qui étaient dans les agences. Certains avaient une expérience du Web, mais pas tous. On échange beaucoup plus là en télétravail que quand on est tous dans la même pièce, on parle toute la journée sur Slack, on fait une vision le matin, une vision le midi, visio le soir.
[00:09:34] Les journées sont beaucoup plus denses en télétravail. Après ce qu'on est en train de mettre en place, c'est un petit indicateur du bien être en télétravail. J'ai mis en place un formulaire que j'envoie à l'équipe avec une note sur cinq. En gros, comment s'est passée votre semaine ? Cinq étoiles, c'est très bien. Une étoile, c'était pas top. Qu'est ce qui a bien fonctionné cette semaine? Est ce qu'on peut améliorer ça? C'est un truc qu'on commence là et qu'on va essayer de remplir à peu près toutes les semaines.
Coronavirus, la couverture de l’info
[00:13:27] On a essayé plusieurs choses et on a essayé surtout de découper la journée en temps de lecture. On essaye de concentrer la matinée sur tout ce qui est initiatives solidaires et tout ce qui va être un petit peu espoir lié à la crise du coronavirus. En gros, l'initiative solidaire, c'est des gens qui mettent en place des collectes pour le personnel soignant, qui offre de la bouffe au personnel soignant ou un taxi qui va faire toutes ses courses gratuitement pour les petites mamies qui veulent aller faire leurs courses.
Le midi, ça va plutôt être comment s'occuper à la maison avec des tutos, des conseils pour des séries télé et des conseils pour occuper ses enfants. Puis on va aller sur du temps long, avec du témoignage en après midi et du décryptage des annonces du gouvernement ou de nos responsables locaux avec les impacts sur la vie quotidienne des Azuréens.
[00:15:33] Le dernier format quand on a mis au point, ce n'est pas très original, mais ça fonctionne très, très bien, ce sont les questions réponses avec les internautes. En gros, tous les jours, on répond à 5 questions de nos lecteurs sur le coronavirus, comme “Est ce que j'ai le droit de promener mon chien?”, “Est ce que ce que j'ai le droit de faire mon footing?” “Est ce que je peux attraper le coronavirus en touchant une poignée de porte?” On répond à ces questions là sur notre site. Les journalistes aiment bien faire des sujets d'angles, des belles interviews. Là, on se retrouve avec des questions très concrètes d'internautes qui sont “Est ce que quand je vais faire les courses, il faut que je nettoie mes légumes, mes légumes?” Du coup, on a un vrai rôle à jouer pour bien expliquer aux gens. Et du coup aller chercher la bonne info et la retranscrire le plus lisiblement possible.
Coronavirus, accompagner la solidarité
[00:20:25] Oui, on a malheureusement l'habitude des catastrophes à Nice-Matin. Et à chaque fois, on mobilise nos lecteurs et la rédaction autour autour de causes. Pendant les inondations, on avait créé des cagnottes sur Ulule pour aider les sinistrés. On l’avait également fait pour les attentats. Et à chaque fois, on a essayé de se demander comment pourrait être le plus utile à nos lecteurs en essayant de les mobiliser.
[00:21:39] On a mis en place une webapp avec Glide, une start up américaine qui permet de faire des webapp très facilement. Il n'y a pas de code, c'est un Googlesheet qui est derrière. Il faut juste le construire et mettre quelques formules pour que toutes les pages communiquent entre elles. On l'a sorti en 10 heures après l'allocution de Macron et ça s'appelle CoronAides.
Le principe, en gros : Vous avez envie de proposer une aide pendant cette crise du coronavirus? Donnez nous votre nom, donnez nous votre adresse, laissez votre numéro de téléphone. Si vous voulez sur l'application, les gens peuvent les consulter et vous contacter s’ils en ont besoin. Et du coup dessus, on retrouve un peu de tout puisqu'il y a des assistantes maternelles qui sont au chômage technique et qui, du coup, proposent gratuitement leurs services. On a des chauffeurs Uber qui proposent gratuitement leurs services, des gens qui disent “je suis disponible en bonne santé, j suis volontaire pour aller faire des courses pour des personnes âgées”. J'ai vu un message qui me fait sourire, quelqu’un qui disait qu'il avait un Doliprane chez lui.. Et du coup, il y a des échanges qui lui sont assez inspirant sur la plateforme.
[00:24:31] On a le journal participatif dans le sang. On a été parmi les premiers à relancer le journalisme de solutions en France en 2015. L'application est typiquement quelque chose qui transpire le journalisme de solutions et l'utilité. On a une newsletter qui est dédiée à la gestion de crise en Italie. Comment ils gèrent, comment ils la vivent. Depuis le début, on dit qu'ils ont dix, quinze jours d'avance sur nous.
[00:26:25] On est en transformation digitale à marche forcée. Il y a plein d'individualités aussi qui sont réticents à la bascule numérique. Là, on est obligé de travailler sur de nouveaux outils. On est obligé de trouver de nouvelles manières de travailler. Des organisations se font en quelques jours alors que ça fait des mois, voire des années, que la plupart des journaux se cassent les dents dessus. Par contre, là, on voit surtout une accélération de tous les projets. On a, comme tous les autres sites, des pics d'audience. Depuis le début de la crise, l'abonnement numérique marchait très bien chez nous. Là, même en ayant passé des contenus gratuits, les gens continuent de s'abonner.
[00:31:38] Je trouve que c’est une période qui est très stimulante, où on peut tester beaucoup de choses. En gros, on peut tester, se tromper. C'est pas très grave parce qu'il y a tellement de choses qui marchent à côté qu'on peut se planter sur un truc. On peut faire un chatbot dédié au coronavirus, si ça marche pas, ça marche pas.
[00:32:39] On voit que les gens ont envie de parler. On a mis en place un groupe privé sur Facebook où les gens peuvent se poster en photo chez eux, en télétravail ou en train de faire du yoga. Les gens ont besoin de partager en ce moment et de parler, même virtuellement, à d'autres gens. Et c'est ici qu'il faut qu'on arrive à trouver le bon créneau pour s'installer. J'aimerais bien dans les prochaines semaines, peut être, lancer des groupes de discussion sur le foot qui seraient animés par nos jeunes sportifs pour encore garder du lien avec nos lecteurs différemment.
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